Vanités Contemporaines
Galerie ALaPLage, Toulouse
Pour la deuxième exposition de sa programmation 2001/2002, ALaPlage met à nouveau en place une exposition de groupe, forme à laquelle nous tenons particulièrement, car elle nous permet la rencontre des artistes autour d'un projet particulier. Rencontre qui se fait à la fois humainement et autour des enjeux plastiques. Vanités Contemporaines propose une vision désenchantée du monde dans lequel nous évoluons. Désenchantée ne veut pas dire sans espoir mais plutôt sans illusion.
Que ce soit les visions picturales (peintures, dessins, animations virtuelles) tragi-comique de Guillaume Pinard, ou la nature morte / installation de Frédéric Nakache empruntant aux règles classiques de la vanité, les langages plastiques abordés sont des plus variés.
Guillaume Pinard propose dans la diversité des médiums qu'il aborde (dessins, installations, peintures vidéos, etc…) une rhétorique asphyxiante de la comédie humaine. Ses titres illustrent bien la tonalité affirmée : Les époux, Grrr!!!, La dernière minute, L'égarement, Zombie, malgré le traitement coloré, ligne claire, on nage bien dans une objectivité aux limites de l'hallucination.
C'est par la distorsion instaurée entre les premiers et les seconds plans que Frédéric Nakache brosse une atmosphère où nettetés et flous se disputent un sens caché. Si l'on doit découvrir un sens dans ses images, alors il se trouve autant dans l'aspect ludique de l'objet présenté, que dans le chaos flou du second plan. C'est la combinaison des deux qui révèle l'intense crudité du drame en train de se jouer.
Pour Agnès Roux et Joseph Dadoune, c'est par la vidéo, présentée de façon ludique pour l'une, résumée par une affiche/projet distribuée au public pour l'autre, que sont abordés des dispositifs complexes mettant en scène des préoccupations de l'ordre de l'ambition… et la pérennité humaine. Utopia Village la vidéo d'Agnès Roux est une perception distanciée de notre perception du monde, alors que dans le film en chantier VG-92700 (du nom d'un avion espion américain sans pilotes) Joseph Dadoune se met en scène en manipulant des codes de la mode et de la peinture au milieu d'un paysage lunaire de la mer morte.
Enfin, pour tenter d'adoucir ce chaos en marche, Valérie Morraja propose un wall-painting à base de smarties. Malgré la matière première sucrée de cette image, c'est une fois de plus à une violence extraordinaire dont nous sommes les témoins : une héroïne empruntée à l'univers manga ne doit son salut qu'à son pistolet laser pour dégommer l'alien hirsute qui veut en faire son repas…
Vanités Contemporaines est une exposition où l'articulation des propositions vise plus à insuffler une impression plutôt qu'affirmer un propos visant à donner à l'art un caractère prospectif et divinatoire, l'angoisse et l'inquiétude engendrée sont là désactivées par la générosité des pratiques plastiques abordées, mettant le spectateur dans une position où les premières et les deuxièmes lectures permettent un ping-pong incessant entre attirance et malaise.
YOMI, 2001
wall painting en Smarties
Dimensions variables
Valérie Morraja - Des réalités multiples aux mondes parallèles
Les micro-pouvoirs sont partout, nous sommes le jouet de fictions qui prescrivent des modes de vie. Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975.
Victime consentante des productions mass-médiatiques, Valérie Morraja se promène d'un référent à l'autre : Press People, télévision, publicité, Tamagotchi, BD science-fictionnaires... A l'affût de tout phénomène de société, elle adopte un mode analogique et compulsif, où pointe une tendance pour une douce schizophrénie. Valérie Morraja capture les monstruosités mass-médiatiques qui lui plaisent, un peu à l'image de cette jeune fille shootant un gros monstre avec son biocanon laser. L'illustration, style manga cyber, est représentée en une fresque aux Smarties! Ce néo-pointillisme superficiel et léger s'inscrit entre la tradition picturale moderne, et une consommation dopée au glucose synthétique. Collage, sampling, recyclage, c'est une sorte d'écologie qui est en jeu, jusqu'à risquer la contamination de l'art par le réel.
Anne-Laure Even